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« Le rôle du RH est d’aider à donner le meilleur de soi-même »

Article paru dans HR Square, Mai-Juin 2019

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Après des temps difficiles, Ethias s’est remarquablement redressée ces deux dernières années avec un résultat net en hausse de 60% en 2018. En début d’année, la compagnie d’assurances a vu son rating de solidité financière augmenter d’un cran, preuve que son plan de transformation porte ses fruits. Elle-même métamorphosée sous la houlette de Julien Balistreri, la direction des ressources humaines a réussi à se positionner en acteur central de cette transformation avec une trentaine d’initiatives majeures.

Ethias, c’est l’héritière de la SMAP, Société Mutuelle des Administrations Publiques, née au lendemain de la première guerre mondiale. Après avoir connu un passage difficile, la compagnie d’assurances va fêter son centenaire, le 25 septembre prochain, avec des ambitions renouvelées. Elle avait en effet été durement frappée par la crise financière de 2008  : problèmes de solvabilité, problèmes de liquidité, problèmes de gouvernance… au point de voir les portes claquer et la Banque nationale s’inquiéter pour sa survie. En mars 2017, la désignation d’un nouveau CEO en la personne de Philippe Lallemand - ancien DRH de 2004 à 2009 - a permis l’apaisement. L’an passé, un plan stratégique à cinq ans a été développé avec la triple ambition de rester numéro un en collectivités publiques vie et non-vie, numéro un du direct et numéro un du digital.   

« La transformation d’Ethias comporte quatre axes : l’axe ‘client’, l’axe ‘gouvernance’, l’axe ‘organisation’ et l’axe ‘composante sociale’, dont deux constituent un champ d’actions majeur pour les RH », confie Julien Balistreri. Head of Human Resources depuis octobre 2017, également en charge des facilities et du change management, il nous reçoit dans le bureau régional d’Alleur dont le nouveau « concept store 3.0 » a été inauguré en mai dernier. Les lieux préfigurent l’agence d’assurances du futur et incarnent la stratégie « phygital  » d’Ethias, un mélange de contact humain et de digital. Tout y a été pensé pour recevoir les assurés dans les meilleures conditions : accueil personnalisé et convivial, salle d’attente chaleureuse équipée d’écrans tactiles, accès gratuit au Wi-Fi, espace de jeux pour les enfants, agenda de rendez-vous interactif…  

« C’est peu connu, mais Ethias est sans doute l’assureur le plus digital de Belgique »

« C’est peu connu, mais Ethias est sans doute l’assureur le plus digital du pays », dit-il. C’est, par exemple, la seule compagnie à proposer plus de dix produits souscriptibles 100% end-to-end en ligne. Pour cela, elle investit massivement dans les nouvelles technologies -automatisation, robotisation, intelligence artificielle, data science… «  Pour autant, nous ne croyons pas en une approche full digital, précise-t-il. Le contact humain demeure fondamental. C’est la complémentarité des deux que nous visons, en parfaite symétrie entre les canaux. » De quoi rassurer les 1.830 collaborateurs répartis sur les sièges de Liège et d’Hasselt ainsi que dans les bureaux régionaux - dont Alleur, le troisième en taille avec quelque cent travailleurs, le site hébergeant aussi le Centre d’expertise Auto, le Customer Center et le Call Center Assistance.   

Modernisation et alignement

Depuis 18 mois, les équipes ressources humaines se sont réorganisées pour soutenir la transformation de l’entreprise. « Le département s’était retrouvé dans une situation compliquée après avoir surfé sur un certain nombre de tendances, avec la difficulté de ne pas toujours réussir à faire atterrir les projets, raconte Julien Balistreri. De plus, la période 2008-2017 a nécessité de diriger toutes les énergies vers les fondamentaux pour assurer un futur à la compagnie, que ce soit au niveau de l’actionnariat (détenu à 31,66% par l’État fédéral, 31,66% par la Région wallonne, 31,66% par la Région flamande et 5% par les villes et communes), de la solvabilité et des ratios financiers. » 

La force de travail d’Ethias est ainsi passée de 1.726 à 1.630 équivalents temps plein (ETP) en quatre ans. Sur la même période, la masse salariale a diminué de 4%, alors que les rémunérations ont été indexées de 5%. « Ces efforts étaient nécessaires pour faire face à un environnement exigeant qui évolue rapidement, note-t-il. Ils nous permettent de nous inscrire dans un monde influencé par le digital pour continuer à offrir à nos clients une expérience qualitative et renforcer notre stabilité financière. À l’échéance de 2023, nous prévoyons des gains de près de 200 ETP qui reposent principalement sur des projets de robotisation ou en lien avec l’intelligence artificielle. »     

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À son arrivée à la tête du département RH à l’automne 2017, la fonction apparaissait un peu désuète par rapport au marché et décrédibilisée en interne. «  Il y avait à la fois un besoin de modernisation et d’alignement de sa stratégie sur celle du business pour pouvoir être un acteur central de la transformation de l’entreprise. Une première étape a consisté à reconstruire une vraie relation de confiance avec la direction et avec le business. Ce qui a pu être fait en ancrant nos politiques et actions dans le concret, avec pragmatisme : redonner du souffle aux équipes, développer un environnement de travail motivant et plus challengeant, stimuler une culture de l’excellence/de la performance qui n’était pas forcément toujours présente, entre autres. »

Vrai Business Partner

Le département RH n’a pas été épargné par la réduction d’effectifs. Il occupe désormais une trentaine de personnes, soit 30% de moins qu’il y a quatre ans. «  Aujourd’hui, les RH tournent bien, et mieux que par le passé, avec moins de monde. La simplification et l’automatisation de certaines tâches y ont contribué  : digitalisation des fiches de paie et des notes de frais, nouvelle plateforme d’offre et d’accès à la formation, automatisation d’une partie de l’élaboration et du suivi des budgets - dont la masse salariale -, nouvel outil de gestion et d’optimisation de la flotte automobile, nouveau dashboard RH, etc. » 

Le temps ainsi regagné a également permis aux RH de mieux soutenir les initiatives du business et d’ainsi contribuer plus directement à la profitabilité de l’entreprise. « En collaboration avec la direction Sales & Customers Care, nous avons par exemple pu négocier avec les partenaires sociaux l’Omnichanneling permettant une nouvelle organisation au sein des Customers Centers et de nos bureaux. Il s’agissait avant tout de renforcer notre modèle en offrant une plus grande flexibilité et des plages d’ouverture  plus large - nocturne, samedi,… - et l’utilisation d’un outil d’auto-planification participative. » 

En marge de ce programme, les équipes RH ont accompagné le transfert de nombreux collègues des back-offices vers le front-office. « Il s’agissait de les faire évoluer vers de nouveaux métiers, en réponse à de nouveaux besoins avec l’enjeu de développer leur fibre commerciale. Avec les directions Sales & Customers Care et Quick Claims & Policy, nous avons mené des entretiens avec plus de cent collaborateurs, réalisé des bilans de compétences, accompagné la sélection des collègues et participé aux séances d’information. Bien que pas toujours ouverts au changement à l’entame du processus, les collaborateurs concernés se sont inscrits positivement dans cette évolution. Plus largement, chaque année, 10% de nos collègues changent de métier ! » 

Stratégie "phygitale"

Quand l’entreprise se transforme et dès lors que les métiers évoluent fortement, un des champs d’action clés pour les RH, c’est de travailler sur le sens, pointe Julien Balistreri. « Il est essentiel de faire preuve de pédagogie sur les transformations externes qui impactent le métier d’assureur, de pouvoir expliquer correctement la nouvelle stratégie et d’aidernos collaborateurs à sa bonne compréhension. C’est dans cet esprit que ces derniers ont été invités à redéfinir nos valeurs pour les traduire en responsabilités et en activités concrètes. Un roadshow a, par ailleurs, été organisé avec la direction Sales & Customer Care pour rencontrer directement nos conseillers clients. La combinaison de la responsabilité RH et change management permet de travailler les deux domaines en synergie. »  

Pour le DRH d’Ethias, un facteur clé de succès tient dans l’alignement de la stratégie «  phygitale  » tant au plan marketing et commercial qu’en interne et dans les équipes RH. Comment l’idée se matérialise-t-elle en gestion des ressources humaines  ? «  La façon dont nous avons redéfini le processus d’onboarding en est un exemple, illustre-t-il. Différentes enquêtes démontrent qu’un accueil réussi a un impact extrêmement positif sur la qualité de la relation que le collaborateur aura avec son organisation. Nous avons donc travaillé à améliorer la qualité de l’accueil physique des nouveaux engagés, tout en lançant une application dédiée. Celle-ci nous permet de fournir des informations qualitatives et de nous assurer que des conditions de travail optimales sont mises en place dès le premier jour. Une série de ‘pulse checks’ mesurent régulièrement la qualité de leur intégration, ce qui nourrit une dynamique d’amélioration continue. » 

Autrement dit : si un certain nombre d’activités peuvent être améliorées à l’aide du digital, le contact humain et l’interaction sont essentiels et vont le rester. Pas question dès lors de tomber, en RH pas plus que dans la relation client, dans le piège du « tout digital ». D’ailleurs, Julien Balistreri concède avoir assisté à différentes présentations de prestataires externes en matière d’intelligence artificielle RH, sans être toujours convaincu par leur valeur ajoutée. « Les idées sont bien souvent fort sexys, parfois séduisantes d’un point de vue théorique. Mais si l’on réfléchit bien, il subsiste une question : qu’est-ce que ça apporte vraiment, surtout au regard des coûts encore très élevés de ces technologies  ? L’aspect du retour sur investissement me semble insuffisamment étayé à ce stade. » 

Nouvelle politique salariale

En 18 mois à peine, le département RH a porté pas moins d’une trentaine d’initiatives majeures pour soutenir la transformation de l’entreprise. Un tel chantier n’aurait pas pu porter les résultats engrangés sans un dialogue social de qualité. « Et il n’est possible que si on investit dans la transparence et la collaboration avec les partenaires sociaux, indique Julien Balistreri. Nous passons énormément de temps, aussi bien dans un cadre formel que de façon informelle, avec nos six délégations syndicales - trois pour le Sud, trois pour le Nord. Les représentants du personnel jouent leur rôle - nous ne sommes pas dans de la cogestion - de façon très constructive, investie et souvent créative. Il est possible de discuter de tout. Sur ces trente projets, pas une fois il y a eu un mouvement de grogne, ni de sortie dans les médias. Nous venons avec des propositions, mais tout en étant dans une position d’écoute des idées, notamment d’amélioration, pour élaborer des solutions. Il y a aussi une co-responsabilisation dans la communication : les délégués sont par exemple venus à nos côtés pour présenter la nouvelle politique salariale lors de séances d’information pour le personnel. »  

Historiquement, il y avait deux politiques de rémunération en vigueur chez Ethias, ce qui était inéquitable et aboutissait à des frustrations. « Le projet Reward a visé à mettre en place une politique plus dynamique, plus transparente, plus équitable et aussi mieux adaptée au marché. Les échelons automatiques ont été supprimés, ainsi dès lors que toute référence à l’ancienneté, l’âge ou le diplôme. Nous avons établi une matrice basée sur le mérite individuel et collectif, avec des éléments parfois difficiles à négocier, avec quasiment 30% de l’effectif plafonné en termes de rémunération fixe. Néanmoins, grâce au bon dialogue avec les partenaires sociaux et d’importants efforts en matière de communication, 92% des collègues ont compris et soutenu cette nouvelle approche. »

Une rémunération variable a par ailleurs été introduite pour l’ensemble du personnel. « Elle reste modeste par rapport au marché, mais ambitionne d’introduire une culture du dépassement de soi plutôt qu’une performance à tout prix, précise-t-il. L’évaluation ne s’intéresse pas uniquement à l’atteinte des objectifs, mais aussi à la façon dont ils sont atteints dans le respect des valeurs d’Ethias. » Enfin, un troisième volet a porté sur le déploiement d’un plan cafétéria, pour permettre à chacun des collaborateurs d’Ethias d’individualiser la composition de son package et d’optimiser celui-ci en fonction de sa situation. « Ce déploiement s’est opéré au deuxième trimestre 2018 et plus de 60% des collaborateurs ont souscrit au plan. »  

Oser la disruption

À côté d’initiatives proprement RH, Julien Balistreri pointe aussi certaines évolutions organisationnelles. « Nous avons travaillé à décloisonner l’organisation par son redesign complet, explique-t-il. Les fonctions managériales ont été rouvertes et les candidats ont été invités à un assessment externe, avec la mise en place ensuite de plans de développement personnel. Un programme de développement des leaders a été lancé pour travailler sur six compétences - Enabling Change, Inspiring Leadership, Compelling Communication, Intellectual Agility, Adaptability et Business Minded. L’approche est relativement disruptive pour Ethias. Les top managers ont identifié quatre thématique - time-to-market, expérience client, mobilité et santé - et y travaillent en lien avec les six compétences, avec l’accompagnement de coaches. Une vingtaine de jeunes talents ont été intégrés à ce programme, d’une part pour préparer la relève, d’autre part pour leur donner de la visibilité et renforcer leur at-tachement à Ethias. » Au total, le programme réunit une septantaine de personnes, et il va être étendu à une centaine d’autres people managers dès ce mois de mai.  

Et les idées ne manquent pas pour l’avenir. « Un gros travail nous attend en matière d’accompagnement des collègues pour les aider à aborder les métiers de demain, et ce, en renforçant la formation, la gestion de carrière et la mobilité interne. Nous voulons aussi développer une culture plus entrepreneuriale. Enfin, en tant qu’employeur, Ethias a à répondre à des questions d’ordre sociétal, comme la problématique de la mobilité. Le siège de Liège se situe dans le centre-ville avec près de mille collègues qui viennent principalement en voiture. L’arrivée du tram à Liège offrira de nouvelles solutions. Le télétravail, en pilote sur 10% de l’effectif et qui sera généralisé au second semestre, est une autre piste, à côté des options du plan cafétéria qui préfigure le budget mobilité ou encore du co-voiturage. »    

Si on ne mobilise plus le concept de « bonheur au travail », la qualité de vie au travail et  la satisfaction des collaborateurs sont plus que jamais une priorité. « Les grands concepts que sont le bonheur au travail ou la libération de l’entreprise sont intéressants sur un plan théorique, mais ils se mettent vite en décalage avec les réalités du quotidien, surtout quand l’entreprise traverse une crise, conclut Julien Balistreri. Le bonheur des collaborateurs n’est pas une finalité RH : il relève de la liberté de chacun. Ce qui est de notre responsabilité, c’est d’améliorer la qualité de vie au travail et de mettre les collègues dans des conditions où ils peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes. La vie au travail ne peut être rose tous les jours : la charge de travail est importante, le niveau d’exigence plus élevé aujourd’hui que par le passé, la transformation comporte son lot de changements à digérer… Pour autant, je pense que nos collègues sont heureux de tra-vailler chez nous. Le taux d’absentéisme et le turnover sont très bas. Les collaborateurs sont engagés et cela se voit dans la façon dont ils interagissent avec les clients. Notre Net Promotor Score est parmi les best in class à 57%. Le taux de satisfaction des clients s’affiche à 98%. Ce sont également des indicateurs de la qualité de vie au travail et de l’engagement ! ».

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